Nul doute que tout le monde en a déjà bien soupé du débat Hollande-Sarkozy, depuis qu’on l’annonçait et depuis qu’on le commente hier soir. Reste un choc dans mon entité, persistant 24 heures plus tard, dû à la montée d’un ton nauséabond menant à l’articulation de cette phrase:
« la France traite mieux les musulmans en France que les chrétiens ne sont traités en Orient »
Une déclaration que Mr Sarkozy place entre parenthèses, et qui le restera. François Hollande ne relève même pas. Et j’ai beau fouiller internet aujourd’hui, aucune presse ou personnalité publique ne vient la commenter.
Ça ne nous étonne même plus, ça ne nous choque même plus.
Mr Sarkozy,
Hier soir, ce 2 mai, vous avez encore mis tout le monde dans le même sac: le Moyen-Orient, le Maghreb, l’Afrique noire… ces peuples ne nous apportant – selon vous – qu’un seul type d’immigrant, le musulman. Et de surcroît, un musulman communautariste. Et pourtant, si l’immigration était un gage de quelque chose ce serait, au contraire, de mixité.
Comme exemple, je vais prendre la situation à l’envers. Française, j’ai vécu huit ans à l’étranger. Et j’ai voyagé, en France, en Europe, hors d’Europe. Hé bien figurez-vous Mr Sarkozy… jamais je n’ai rencontré un(e) Français(e) qui pouvait me ressembler point par point, avec qui être d’accord sur tout et envisager de dominer le Monde. Je n’évoque même pas les autochtones rencontrés – oOOouuh – ni les étrangers, non, juste les Français sur leur territoire ou hors-territoire que rien ne vous permettra de mettre sous une unique étiquette.
Alors qu’est-ce qui vous autoriserait à le faire avec ceux nés ailleurs?
J’ai honte pour vous Mr Sarkozy. Profondément, plus que je ne saurais dire. Non seulement pour faire preuve d’autant d’esprit de supériorité, mais également parce que vos mots sont là pour m’inciter à craindre et détester quelqu’un. J’ai honte pour vous.
Et j’en viens au pire…
« la France traite mieux les musulmans en France que les chrétiens ne sont traités en Orient » (en partant évidemment du contexte de votre déclaration hier soir: ‘les musulmans’ englobent ici les immigrés de Moyen-Orient, du Maghreb et d’Afrique noire) Je trouve cette phrase d’une telle violence psychologique que je ne sais pas par où commencer.
Vous vous y révélez complètement. Et vous vous y congratulez.
Vous vous congratulez non pas de bien traiter les musulmans mais de les traiter mieux (par définition et dans une comparaison, c’est un qualitatif qui est inférieur au « bien » idéalement à atteindre) que sont traités les chrétiens en Orient. Cela signifie qu’à vos yeux les musulmans n’ont pas à se plaindre du traitement qu’on leur réserve en France, islamophobie comprise, on est déjà bien tolérant hein! Ensuite, puisque votre phrase est une comparaison et que ‘les musulmans’ y pointent les immigrés, les chrétiens sont ici désignés eux-mêmes comme des gens cherchant à s’intégrer en Orient et non comme de réels et bien traités citoyens des nations sous-entendues, l’Orient et la chrétienté tels l’eau et l’huile. Ce qui dépasse encore l’entendement.
Absolument aucune donnée rationnelle ne vous permet, Mr Sarkozy, d’affirmer que la France traite mieux les musulmans que les chrétiens ne sont traités en Orient.
Et le fond de votre pensée va encore plus loin. Le fait que des chrétiens puissent être mal traités ailleurs – pas des Français… des chrétiens! (et après cela, vous accusez les autres de communautarisme?!) – est ce que vous invoquez pour insinuer que les musulmans ne devraient pas avoir à se plaindre du traitement qu’on leur réserve en France, le méritent-ils seulement. Et si on suit cette logique… pourquoi vouloir cohabiter ici dans un respect mutuel, alors qu’ailleurs d’autres ethnies vaguement reliées à la nôtre, sont maltraitées?
Mr Sarkozy, c’est ça votre politique internationale?
Nous sommes tous l’étranger de quelqu’un. Et peu importe ce qui se passe ailleurs, votre conduite ici en France devrait rester exemplaire, sans tomber dans des comparaisons, même fondées (cette notion va vous demander encore du travail).
Les « tensions communautaires extravagantes » que vous évoquiez hier soir ne reposent que sur votre propre détestation et les épouvantails que vous agitez ne duperont pas tout le monde.
Mr Sarkozy, votre phrase ici décrite était hier l’aveu culminant de votre mépris, un crachat qui nous a tous souillés, une insulte que vous nous avez faite… entre parenthèses. Comme si de rien n’était.
Je ne suis pas désolée de vous annoncer que non je ne détesterai et ne craindrai pas ceux que vous me désignez du doigt. Je ne vous ferai pas le plaisir de perdre un bout de mon humanité.
(Les 60 commentaires de la discussion qui a suivi sont visibles au lien direct de l’article ICI.)